Le Premier ministre indien Narendra Modi a prêté serment dimanche pour un troisième mandat, après des résultats électoraux mitigés qui le rendent dépendant d'une vaste coalition pour gouverner le pays. Des résultats salués par les dirigeants chrétiens du pays qui espèrent que le rétablissement d'une coalition protégera les minorités religieuses.
Accompagné de responsables du Bharatiya Janata Party (BJP), son parti nationaliste hindou, et des dirigeants des formations alliées, Narendra Modi qui occupe son poste depuis 2014 s'est engagé à protéger la Constitution indienne, au cours de la cérémonie au Palais présidentiel à New Delhi.
Des milliers de personnes, dont des stars de Bollywood comme la légende du cinéma indien Shahrukh Khan et de richissimes hommes d'affaires proches de M. Modi, 73 ans, étaient présentes pour la circonstance.
Un gouvernement multipartite, une bonne nouvelle pour les minorités
La composition du nouveau gouvernement n'a pas encore été officiellement annoncée, le bureau du Premier ministre ayant simplement précisé qu'il compterait 71 membres en plus de lui-même, dont 11 responsables de formations partenaires du BJP.
Le parti de Narendra Modi a remporté 240 sièges au Parlement -il en fallait 32 supplémentaires pour arriver à la majorité absolue-, nettement en deçà des 303 obtenus en 2019. Et, contre toute attente, le Congrès, le principal parti d'opposition, en a acquis 99, doublant presque son score de 2019 (52).
Narendra Modi a été contraint d'entamer des pourparlers avec ses alliés au sein de l'Alliance démocratique nationale (la NDA qui rassemble 15 partis au total).
Dans un article publié dimanche sur son site internet, il a qualifié de "très chargés" ces derniers jours. "Nous sommes en plein dans les préparatifs en vue de la formation du gouvernement", a-t-il également écrit.
La coalition dispose de la majorité absolue avec 293 des 543 sièges que compte le Parlement mais plusieurs partis partenaires du BJP ont exigé de substantielles concessions, notamment des portefeuilles ministériels de premier plan, en échange de leur soutien.
Les plus importants, parmi lesquels les quatre ministères régaliens (Intérieur, Affaires étrangères, Finance et Défense), devraient néanmoins rester entre les mains du BJP, a écrit le quotidien The Times of India.
Les chrétiens et autres minorités religieuses du pays se sont ralliés à la cause du pluralisme. "Le peuple s'est prononcé clairement en faveur d'un retour aux idéaux fondateurs de l'Inde", a déclaré Vijayesh Lal, secrétaire général de l'Evangelical Fellowship of India (EFI), qui représente plus de 65 000 églises protestantes.
"Plus de consultations"
Selon les analystes, les autres membres de la coalition forceront le Bharatiya Janata Party, autrefois tout-puissant, à opter pour une approche un peu plus conciliante.
"La coalition va dorénavant obliger le BJP à s'engager à plus de consultations", a à cet égard estimé Sajjan Kumar, le directeur du groupe de recherche politique PRACCIS, basé dans la capitale indienne.
Pour Zoya Hasan, politologue à l'Université Jawaharlal Nehru à New Delhi, Narendra Modi sera confronté à des défis importants et devra composer avec des "politiques rusés" comme Chandrababu Naidu, qui dirige à la fois l'Etat de l'Andhra Pradesh (sud-est) et le Telugu Desam Party (TDP), et Nitish Kumar, à la tête de l'Etat du Bihar (est).
Rahul Gandhi, le principal adversaire politique du dirigeant nationaliste hindou, a quant à lui été désigné samedi à l'unanimité pour diriger l'opposition indienne au Parlement par la direction du parti du Congrès, qui a réalisé son meilleur résultat depuis 2014.
Une "bénédiction" selon les chrétiens
"Ce résultat est comme une bouffée d'air frais après une longue période d'étouffement" a déclaré l'ancien chef de la commission de secours et de développement en cas de catastrophe de l'Evagelical Fellowship of India (EFI), C.B Samuel. Un sentiment qui semble partagé par les chrétiens du pays. Christianity Today rapporte qu'ils sont en effet nombreux à voir cela comme une "bénédiction".
Car les chrétiens indiens ne sont pas contentés de voter pour contrer le BJP, ils se sont également mobilisés dans la prière. Les membres de l'EFI, soit plus de 50 dénominations et près de 150 ministères, se sont réunis pour des réunions de prière et ont organisé des chaînes de prière inter-églises. Et dans tout le pays, des centaines de groupes chrétiens ont appelé à Dieu pour qu'il intervienne dans cette situation.
"Il y a eu une intercession dans tout le pays pour le rétablissement de la démocratie", a confié à Christianity Today Jacob Ninan, pasteur de l'église Trinity Highland Tabernacle, dans l'État du Kerala, au sud-est du pays, où les chrétiens représentent 18% de la population.
"Les gens ont crié à Dieu, en s'humiliant, pour qu'il 'soigne le pays' et réaffirme la démocratie et la liberté pendant les élections", a de son côté souligné le chancelier de l'Université de Karunya et président de Jesus Calls Ministry, Paul Dhinakaran.
"Beaucoup ont versé des larmes de joie" lors des résultats, a ajouté C.B Samuel qui estime que le moment est venu de faire preuve de gratitude, de prendre du recul pour voir Dieu à l'œuvre."
Camille Westphal (avec AFP)